Dans les années à venir, d’innombrables études s’intéresseront à l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les habitant·e·s des plus grandes villes canadiennes, mais rares seront les études portant sur l’expérience unique des hommes gais, bisexuels ou queers (HGBQ) durant cette période.
Dans le cadre de l’étude Engage, nous avons demandé aux HGBQ de nous faire part de leur expérience de la pandémie en répondant à des questionnaires et en participant à des entrevues qualitatives approfondies. Ce texte présente certains des constats initiaux (datant de la première vague de COVID-19) basés sur les réponses à nos questionnaires.
Premier constat important : de nombreux participants ont rencontré des problèmes liés au bien-être psychologique.
En effet, 36,8 % des répondants ont vécu un stress récurrent ou quasi constant dû à la pandémie dans le mois précédant le sondage. Les principales causes de ce stress étaient le travail (21,3 %) et un sentiment d’enfermement ou de perte de liberté (18,3 %). La plupart des participants (52,2 %) ont constaté un déclin de leur santé mentale suivant le début de la pandémie. Notons cependant que la majorité (60,7 %) des répondants ont reçu un soutien affectif de la part d’ami·e·s ou de proches au moins une fois par semaine.
Nous nous sommes également intéressés aux répercussions de la pandémie de COVID-19 sur l’accès aux soins de santé. Environ la moitié des répondants ont rapporté que la pandémie avait eu un effet sur leur recours aux soins dentaires (52,8 %) et à leur médecin de famille (49,7 %). En outre, près du tiers des participants (32,1 %) ont évité d’aller chercher des soins de santé pour cause de craintes liées à la COVID-19.
Les services de réduction des méfaits et les soins en lien avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ont été les deux catégories les moins touchées d’après le sondage : 9,5 % et 12,5 % des répondants, respectivement, ont rapporté que la pandémie avait eu une incidence sur leur accès à ces ressources.
Quant aux services médicaux directement liés à la pandémie, près de la moitié (47,8 %) des participants ont reçu un test de dépistage de la COVID-19 durant ou avant le mois de mai 2020, et 39 % ont eu au moins un symptôme de la COVID-19. Quelque 9,6 % des répondants ont reçu un diagnostic de COVID-19.
La pandémie a aussi entraîné d’importants changements quant au comportement sexuel des participants. Près des trois quarts (72,3 %) des répondants ont rapporté que leurs rencontres avec des hommes n’appartenant pas à leur ménage avaient diminué ou beaucoup diminué après le début de la pandémie. Plus des trois quarts (77,3 %) des participants ont dit s’être adonnés moins ou beaucoup moins aux rapports sexuels anonymes. Le sexe téléphonique est l’activité ayant connu la plus grande augmentation de fréquence : 28,4 % des répondants ont dit avoir pratiqué le sexe téléphonique plus souvent ou beaucoup plus souvent depuis le début de la pandémie.
Par ailleurs, 29,7 % des participants ont rapporté que la COVID-19 avait aussi eu un impact sur leur accès au dépistage et au traitement des infections transmises sexuellement (ITS), ainsi que sur leur utilisation de ces ressources. Enfin, 21,2 % des répondants séronégatifs pour le VIH ont dit avoir arrêté la prophylaxie préexposition (PrEP).
Ces résultats (y compris les problèmes de santé mentale et les perturbations touchant les soins) sont particulièrement pertinents vu la surcharge en matière de santé mentale et les obstacles à l’accès aux soins que subissent les HGBQ. Il sera important de continuer à pallier ces iniquités, par exemple en offrant davantage de programmes axés sur la santé mentale des HGBQ, pour répondre aux difficultés causées par la pandémie.
Cela dit, les HGBQ doivent aussi composer avec beaucoup des mêmes préoccupations et des mêmes risques que les autres Canadien·ne·s : 15,6 % des participants de l’étude Engage sont des travailleurs essentiels (du milieu de la santé ou autres), 22,2 % travaillent avec le public en tout temps ou presque, et 11,2 % ont dit ne pas pouvoir s’absenter du travail en cas de maladie.
Si la pandémie a donné plus de visibilité à certaines questions, dont l’accès aux soins de santé et aux médicaments, la sécurité au travail, l’isolement, le soutien affectif et la stabilité financière, ces enjeux sont loin d’être nouveaux pour les HGBQ. L’analyse et la diffusion des résultats de l’étude Engage sur la COVID-19 se poursuivent, ce qui permettra de mieux informer la gestion non seulement de la pandémie, mais aussi d’autres aspects de la santé et du bien-être des HGBQ.
La pandémie a évidemment progressé depuis le premier module de questionnaires de l’étude Engage. Par conséquent, les expériences, comportements et attitudes ont changé. Nous sommes impatients de vous faire part des résultats de la deuxième vague de données et de nous pencher sur l’évolution des réactions des HGBQ suivant la progression de la pandémie.
L’étude Engage suit 1 248 HGBQ vivant à Montréal, à Toronto ou à Vancouver. Elle couvre un large éventail de sujets, dont la consommation de substances psychoactives, la santé et l’accès aux soins, les comportements sexuels, la santé mentale et les liens communautaires. La première vague de réponses à nos questionnaires (résumée plus haut) a été recueillie fin 2020 et début 2021.
Université de Toronto, Dalla Lana School of Public Health
Engage
10 août 2022