Les personnes trans ont souffert du report des soins de santé pendant la pandémie, révèle l’étude Engage

La pandémie de COVID-19 a montré combien il est important de fournir des soins de santé dans les meilleurs délais. L’interruption des soins a été particulièrement pénible pour un grand nombre de personnes trans et de diverses identités de genre. Une recherche récente, réalisée par méthode mixte dans le cadre de l’étude Engage (article en anglais), a permis d’examiner l’accès aux soins d’affirmation de genre, ainsi que d’autres expériences vécues par des personnes trans et de diverses identités de genre au cours de la pandémie de COVID-19[1].

Les chercheur·euse·s d’Engage ont mené des entretiens avec plus d’une douzaine de personnes trans, non binaires et de genre non conforme entre novembre 2020 et octobre 2021, au plus fort des mesures de confinement. Les personnes interrogées, issues de Montréal, Toronto et Vancouver, ont témoigné des difficultés propres aux personnes trans et de diverses identités de genre.

Par exemple, les opérations d’affirmation du genre étaient jugées « non essentielles » dans plusieurs régions, ce qui rallongeait encore les délais et les listes d’attente. Plus que de simples inconvénients, ces retards ont considérablement affecté la santé mentale des personnes concernées. Certaines ont parlé de situation « frustrante » et de « deux poids, deux mesures », étant donné que d’autres types de soins n’étaient pas reportés.

Les participant·e·s ont également signalé des difficultés à se procurer les médicaments prescrits dans le cadre de leur hormonothérapie substitutive, à cause des pénuries de testostérone en Amérique du Nord.

Aujourd’hui, les mesures de prévention liées à la COVID-19 n’entraînent plus des conséquences aussi sérieuses sur le système de santé, mais les obstacles aux soins d’affirmation de genre persistent. En effet, la couverture de tels soins varie selon les régimes d’assurance provinciaux, et seulement 26 % des personnes interrogées ont déclaré avoir reçu tous les soins d’affirmation du genre dont elles avaient besoin[2]. Bien que les chaînes d’approvisionnement se soient stabilisées, il peut encore être difficile d’obtenir de la testostérone, une substance contrôlée au Canada. La testostérone est réglementée afin de prévenir le dopage dans le milieu du sport, mais de plus en plus de voix s’élèvent pour demander la révision de cette réglementation et un meilleur accès au médicament[3].

Les résultats de cette étude montrent que le système de santé devrait privilégier les soins d’affirmation de genre. Avec la perturbation des normes de santé causée par la COVID-19, les disparités existantes se sont accrues. Les récits des participant·e·s révèlent que les politiques publiques ne protègent pas les personnes marginalisées de notre pays, notamment en créant des obstacles à l’obtention de soins d’affirmation de genre.

Néanmoins, les participant·e·s ont su faire preuve d’ingéniosité et de résilience face à ces défis. Par exemple, bien que les contacts en personne aient été suspendus, les membres de la communauté ont eu recours à du partage d’informations en ligne pour s’aviser de la disponibilité locale de médicaments tels que la testostérone, ou encore se conseiller des stratégies pour prolonger leur utilisation. D’autres ont décrit le confinement comme une occasion d’explorer leur genre sans craindre la transphobie ou le contrôle social du genre.

Les résultats de l’étude Engage constituent un rappel poignant de la nécessité d’offrir des soins de santé divers et adapté à tout le monde. Sans efforts délibérés pour adapter les politiques de santé publique et de soins de santé aux besoins et aux expériences des personnes queers et trans, celles-ci continueront d’être exclues du système. Les soins d’affirmation du genre sauvent la vie de nombreuses personnes, et pourtant les délais d’attente sont de plusieurs années, le personnel de santé n’a pas les compétences et la formation appropriées, et des frais importants restent à la charge des patient·e·s. Nous nous devons d’écouter les témoignages recueillis lors de cette étude et de travailler à bâtir un système de santé véritablement inclusif, équitable et répondant à tous les besoins.

L’étude Engage sur la COVID-19 vise à examiner les infections, l’immunité et les déterminants connexes chez les hommes gais et bisexuels (HGB), leur perception des mesures préventives, ainsi que les effets sur eux de ces mesures. Cette étude est financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC).


[1] Grey C, Sinno J, Zhang H, Daroya E, Skakoon-Sparling S, Klassen B, Lessard D, Hart TA, Cox J, Stewart M, Grace D. « Queering public health: A critical examination of healthcare access and gender expression among trans, nonbinary, and other gender nonconforming people during COVID-19 » (anglais). Health & Social Care in the Community. 4 mars 2023.

[2] Trans Pulse Canada. Accès à la santé et aux soins de santé pour les personnes trans et non binaires au Canada. [En ligne]. 2020. Disponible sur : https://transpulsecanada.ca/fr/results/rapport-1/

[3] Garrison R, Thompson D. Livre blanc sur le statut des personnes trans et de diverses identités de genre. Juin 2023. Disponible sur :https://randallgarrison.ndp.ca/sites/default/files/livre_blanc_sur_le_statut_des_personnes_trans_et_de_diverses_identites_de_genre-_french__0.pdf

Engage
11 janvier 2024