Le sexe en temps de COVID-19 : Quelles stratégies les hommes gais, bisexuels et queer ont-ils utilisées pour rester en sécurité?

La pandémie de COVID-19 a grandement changé notre façon de socialiser, mais quel a été son impact sur les rapports sexuels? Pour de nombreux hommes queer, la pandémie s’est traduite par une diminution des activités sexuelles, mais aussi par des solutions créatives telles que le camming et le sexting, ou par des changements au niveau des rencontres sexuelles en personne. 

Dans le cadre de l’étude Engage-COVID-19, nous avons exploré les stratégies employées par les hommes queer pour assurer leur sécurité lors de rapports sexuels occasionnels et anonymes en temps de pandémie. Entre novembre 2020 et octobre 2021, nous avons interrogé 93 hommes gais, bisexuels et queer à Montréal, Toronto et Vancouver. Nous les avons interrogés sur les impacts de la COVID-19 sur leur vie sexuelle et leur prise de décision sexuelle. 

L’une des conclusions est qu’un quart des hommes ont continué à avoir des rapports sexuels en personne, mais ont limité ces derniers à leurs partenaires réguliers ou à ceux qu’ils connaissaient déjà et en qui ils avaient confiance. Cette stratégie a été décrite par les participants comme des « bulles sexuelles ».

Un autre quart des participants ont eu des rapports sexuels avec des partenaires nouveaux ou anonymes au début de la pandémie, mais ils ont souvent utilisé des stratégies de sécurité. Par exemple, ils demandaient à leurs partenaires s’ils présentaient des symptômes de COVID-19, ne recommençaient à avoir des rapports sexuels que lorsque le nombre de cas de COVID-19 était faible, portaient des masques et avaient des rapports sexuels à l’extérieur.

Selon un participant, un nombre important de ces mesures ont été influencées par la prévention du VIH et des ITS : 

Je suppose que tout comme pour les rapports sexuels, ou à l’époque avec le VIH, ils disaient que si vous couchiez avec un gars, vous couchiez avec tous les partenaires sexuels de ce dernier. Et je crois que c’est la même chose avec la COVID-19. (Homme séronégatif et de race mixte dans la cinquantaine, Vancouver) 

Plus récemment, des participants vaccinés ont parlé de l’intégration du triage en fonction du statut vaccinal dans leurs pratiques de sécurisexe, choisissant de n’avoir des rapports sexuels qu’avec d’autres personnes vaccinées. Pour certains, cette stratégie s’alignait à la prévention du VIH :

Enfin, cela ressemble peut-être à une stratégie de prévention du VIH où je suis vacciné, donc c’est comme si j’étais sous PrEP […]. C’est comme parler à quelqu’un qui dit : « Je suis séropo, mais je suis indétectable » ou « Je suis sous PrEP aussi ». (Homme séronégatif et blanc dans la trentaine, Vancouver)

Comme ces résultats le suggèrent, la gestion du risque et du plaisir sexuel n’a rien de nouveau pour les hommes queer. Tout comme l’utilisation du condom pour prévenir le VIH et les ITS, les hommes portent des masques pour prévenir la COVID-19. Au lieu de « bulles sociales », ils ont formé des « bulles sexuelles ». Tout comme l’utilisation des antirétroviraux comme outil de prévention du VIH, ils ont utilisé les vaccins comme outil de prévention de la COVID-19. 

Alors, que pouvons-nous apprendre de ces résultats? Dans le cadre de la pandémie continue de COVID-19 et des pandémies futures, les organisations communautaires devraient continuer à réagir de manière à combiner l’amusement, le plaisir et la sécurité. Bien que la distanciation sociale ait été essentielle pour réduire les impacts de la COVID-19, les pulsions sexuelles des gens ont continué d’exister. Les efforts visant à affirmer une expression sexuelle saine tout en réduisant le risque de transmission de la COVID-19 peuvent avoir un impact important sur le bien-être des gens. 

Les institutions et les politiques de santé publique devraient également tenir compte du désir d’intimité des hommes queer. Tout comme pour la prévention du VIH et des ITS, notre réponse aux autres maladies infectieuses (comme la COVID-19) sera plus efficace si nous faisons de la place pour discuter du désir sexuel et romantique dans le contexte de ces efforts.

Tenez-vous au courant de l’étude Engage COVID-19 :

Ces résultats ont été présentés plus en détail lors de la conférence virtuelle de l’Association canadienne de recherche sur le VIH de 2022. Les résultats seront également présentés dans un article à venir, intitulé ‘I did not have sex outside of our bubble’: Changes in Sexual Practices and Risk Reduction Strategies and among Gay, Bisexual, and Queer Men in Canada during the COVID-19 Pandemic et rédigé par Emerich Daroya, Shayna Skakoon-Sparling, Cornel Grey, David Lessard, Ben Klassen, Jody Jollimore, Nathan Lachowsky, David Moore, Jordan Sang, Gilles Lambert, Trevor A. Hart, Joseph Cox, Darrell H.S. Tan et Daniel Grace.

Emerich Daroya et Daniel Grace
École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto 

Engage
18 mai 2022