Les hommes GBQ ont développé leurs propres méthodes pour prendre soin de leur santé sexuelle, notamment dans le domaine des ITS bactériennes. En effet, les approches destinées à la population générale ne fonctionnent pas toujours pour eux. Les prestataires de soins de santé doivent comprendre la spécificité de nos vies sexuelles et avoir les connaissances suffisantes pour prévenir, diagnostiquer et traiter les ITS bactériennes.
Ces 10 dernières années, les taux d’infection par la gonorrhée, la chlamydia et la syphilis ont augmenté dans l’ensemble de la population canadienne.1 Ce sont des infections facilement soignables, mais qu’il est essentiel de traiter. La gonorrhée et la chlamydia augmentent le risque de contracter le VIH, tandis que la syphilis peut entraîner des problèmes cardiovasculaires et neurologiques. C’est pourquoi les prestataires de soins de santé doivent savoir diagnostiquer précisément les cas d’ITS chez les hommes GBQ.
Pour en savoir plus, nous avons soumis les participants de l’étude Engage à des tests de dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia par écouvillonnage de la gorge et du rectum, ainsi que par échantillon urogénital. 5,6 % d’entre eux avaient la gonorrhée et 2,8 % la chlamydia.
Autre résultat majeur : plus d’hommes ont testé positifs à la gonorrhée avec les prélèvements effectués dans le rectum (3,1 %) et la bouche (3,5 %) qu’avec les tests d’urine (0,4 %). Une tendance similaire a été observée pour la chlamydia (2,4 % avec les prélèvements dans le rectum, 0,4 % avec ceux dans la bouche, et 0,4 % avec les prélèvements urogénitaux).2
Ainsi, étant donné que les ITS bactériennes non génitales ne provoquent souvent pas de symptômes, la chlamydia et la gonorrhée ne seront généralement pas dépistées chez les hommes GBQ si les prestataires de soins de santé recommandent uniquement un test d’urine, ce qui est souvent le cas pour les hommes cis et hétérosexuels. Il est donc important de créer un environnement où les patient·e·s sont à l’aise de parler de leur sexualité et de leurs antécédents sexuels, notamment pour que les hommes GBQ se voient prescrire le type de dépistage approprié lors des examens de routine.
Nos besoins en matière de santé sexuelle ne se limitent toutefois pas au dépistage des ITS en dehors des sites urogénitaux. Ces dernières années, pour prévenir la transmission du VIH, beaucoup d’hommes GBQ ont commencé à utiliser la prophylaxie pré-exposition, ou PrEP. Si la PrEP est extrêmement efficace dans la prévention du VIH, elle n’assure aucune protection contre les ITS bactériennes.
À partir des données d’Engage, nous avons étudié le lien entre l’utilisation de la PrEP et les risques de contracter des ITS bactériennes (chlamydia, gonorrhée, syphilis). Nous avons constaté que les hommes sous PrEP étaient plus susceptibles d’avoir des relations sexuelles anales sans préservatif et qu’ils contractaient davantage d’ITS bactériennes. En moyenne, les hommes sous PrEP avaient également plus de partenaires avec lesquels ils avaient des rapports anaux sans préservatif, d’où un risque accru de contracter une ITS bactérienne.3
Ces résultats démontrent l’importance d’offrir des tests accessibles et pratiques de dépistage des ITS aux personnes sous PrEP. Des essais sont également en cours pour déterminer si les utilisateurs de la PrEP peuvent prendre des antibiotiques en plus de leur prise de PrEP pour réduire leur risque de contracter des ITS bactériennes.4,5 Mais pour le moment, les prestataires de soins de santé doivent informer leurs patients sous PrEP des facteurs de risque relatifs aux ITS bactériennes.
Nous avons également utilisé les données d’Engage pour étudier les liens entre la santé sexuelle et d’autres aspects de la vie, notamment la santé mentale. Nous avons constaté que la dépression constitue un facteur de risque particulièrement important, tant pour les utilisateurs de la PrEP que pour les non-utilisateurs. Les hommes en dépression qui consomment des stimulants (comme la cocaïne ou la méthamphétamine) sont plus susceptibles d’avoir des relations sexuelles anales sans préservatif et ont plus de risques de contracter une ITS.6 Ces résultats indiquent que l’accès à des services de santé mentale abordables et fondés sur des données probantes est un déterminant d’une bonne santé sexuelle et aide à prévenir les ITS. Ils montrent aussi qu’en offrant en même temps des services en matière de santé sexuelle et de consommation de drogues, on peut réduire les risques chez les hommes GBQ, et notamment chez les personnes qui utilisent des substances en contexte sexuel (PnP).
Bien sûr, chaque personne a sa manière d’appréhender la sexualité et les risques d’ITS. Certaines estimeront que les relations sexuelles qu’elles désirent valent le risque de contracter une ITS bactérienne. Quoi qu’il en soit, c’est en offrant des soins qui tiennent compte de la diversité sexuelle des hommes GBQ qu’on améliorera leur santé et qu’on réduira les inégalités au sein de nos communautés.
Références
1. Agence de la santé publique du Canada. Rapport sur la surveillance des infections transmissibles sexuellement au Canada, 2019. 2021. https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/publications/diseases-conditions/report-sexually-transmitted-infection-surveillance-canada-2019/pub1-fra.pdf
2. Harvey-Lavoie S., Apelian H., Labbé A.C., et al. « Community-Based Prevalence Estimates of Chlamydia trachomatis and Neisseria gonorrhoeae Infections Among Gay, Bisexual, and Other Men Who Have Sex With Men in Montréal, Canada ». Sex Transm Dis. 1er décembre 2021;48(12) : p. 939-944. doi:10.1097/olq.0000000000001486
3. Hart T.A., Noor S.W., Berlin G.W., et al. « Pre-exposure prophylaxis and bacterial sexually transmitted infections (STIs) among gay and bisexual men ». Sex Transm Infect. 14 juin 2022. doi:10.1136/sextrans-2021-055381
4. Grant J.S., Stafylis C., Celum C., et al. « Doxycycline Prophylaxis for Bacterial Sexually Transmitted Infections ». Clin Infect Dis. 3 mars 2020;70(6) : p. 1247-1253. doi:10.1093/cid/ciz866
5. Grennan T. « Doxycycline Intervention for Bacterial STI ChemoprOphylaxis (DISCO) ». ClinicalTrialsgov. 21 février 2021. doi:https://ClinicalTrials.gov/show/NCT04762134
6. Hart T.A., Noor S., Skakoon-Sparling S., et al. « Depression is associated with bacterial sexually transmitted infections (STIs) among gay, bisexual, and other men who have sex with men (gbMSM) ». Canadian Association for HIV Research; 2020.
Engage
07 juin 2023